Bueil-accident.jpg25 décembre 2010 : nous sommes en plein dans les fêtes et tout le monde est censé être heureux. Pour ma part, je suis envahi de bien-être car dans quelques heures, ma chérie sera dans mes bras. L'arrivée est prévue à 19h06 mais c'était sans compter sur l'interruption du destin. Aux alentours de 18h25, le train circulant sur la ligne Paris-Caen, dans lequel elle se trouvait, a heurté de plein fouet une voiture en panne. Le conducteur, un septuagénaire était descendu pour voir ce qu'avait le véhicule pendant que sa femme était restée dans le véhicule immobilisé sur la voie ferrée. Le train a projeté le véhicule qui est retombé sur la voie, et a été traînée sur près d'1,5 km sous les roues de la locomotive. Un conducteur de train, qui était en sens inverse atteste sur un forum réservé aux cheminots que "le choc a eu lieu à 120km/h. Deux solutions : soit le conducteur [qui était une jeune conductrice] a eu le temps de déclencher le freinage d'urgence avant l'impact, soit il a vu la voiture au dernier moment et il a freiné d'urgence au moment de l'impact. Dans les deux cas, à 120km/h, une rame corail de 10 voitures avec une BB 15000 en tête, donc une rame équipée du freinage haute puissance et du frein électro-pneumatique ne met pas 1km ou 1,5 km pour s'arrêter. Personnellement je dirai que l'arrêt s'est fait en 600m maximum".
Une forte odeur d'essence a immédiatement envahi l'espace des voyageurs, séquestrés dans le train pendant une période indéterminée. Informés à plusieurs reprises, ils apprennent le drame qui vient d'avoir lieu, les empêchant de rentrer dans leurs familles respectives. Les journaux relayent rapidement le fait divers sur la toile puis via la télévision. A l'intérieur du train, il fait noir et le froid s'installe dans la mesure où tous les appareils électriques ont dû être mis hors d'usage pour éviter toute explosion ou incendie. Les voyageurs sont calmes et se soutiennent mutuellement.

 

Plus tard, la voix-off retentit pour une nouvelle information, ou plutôt une requête : "Y'aurait-il, parmi nos clients, un conducteur dans le train ?". Cette demande faisait suite à une demande de cheminots et de techniciens. La jeune conductrice était sous le choc et ne pouvait pas reprendre le prochain train qui allait dépanner les voyageurs.

 

Peu habituée à ce genre d'évènement, ma chérie stresse et m'appelle fréquemment, pour que l'on s'informe mutuellement. A partir du moment où le train était rentré dans une voiture, j'ai su que ça prendrait du temps, au minimum 3 heures. J'étais loin d'imaginer que le temps serait doublé. Excédés, des jeunes s'en prennent aux portes en tapant à coups de pieds dedans. Ils veulent sortir au moins pour fumer, ce qui était strictement interdit suite aux émanations d'essence qui s'étaient dégagées de la carcasse. D'autres personnes inconscientes fumaient à l'intérieur du train malgré la forte odeur. Sûrement alertés par les contrôleurs, la gendarmerie est intervenue pour un contrôle d'identité. Ma chérie, alors dans les toilettes et voulant regagner sa place, se fait interpeler par l'un des gendarme qui réclame ses papiers pensant qu'elle faisait partie du gang. Comme si elle ressemblait à une banlieusarde... Ma chérie appelle sa mère en pleurnichant presque car un monsieur veut la contrôler. Plus tard, le gendarme s'excusera de ne pas avoir été perspicace.

 

Plusieurs trains passent sur la voie d'à côté. Le train accidenté sera le dernier à être vidé de ses passagers suite à un affrêtement d'une nouvelle locomotive en partance de la gare Saint Lazare.

 

23h15 : la délivrance ! Tous les passagers sont évacués alors que dehors, les pompiers et les gendarmes poursuivent leur travail. Le train était à dix minutes d'Evreux et la plupart descendait à cette gare. Ils n'avaient pas pu sortir avant. Dans le nouveau train, une nouvelle annonce se fait entendre. Des plateaux repas vont être servis aux voyageurs, mais un plateau pour deux. Burlesque.

 

1h10 : arrivée en gare de Bernay, ma chérie qui était en chaussures à talon s'exclame : "Tiens il a neigé ?"., en manquant de se casser la figure sur le quai enneigé. Disons que ça n'arrête pas d'en parler aux infos depuis plusieurs jours.

 

Un 25 décembre dans le train depuis 11h30 et jusqu'à 1h10, voilà un cadeau qu'elle n'oubliera pas de si tôt.

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